
Choc numérique au Québec : pourquoi 60 % des directeurs TI ont été remplacés d’ici 2020
Entre 2015 et 2020, le Québec a connu une mutation profonde dans sa gestion des technologies de l’information. Selon une enquête publiée sur Decideo, près de 60 % des directeurs TI (technologies de l’information) auraient été remplacés sur cette période. Cette vague de renouvellement reflète une tendance de fond : la nécessité pour les entreprises d’adapter leur leadership technologique à l’ère de la transformation numérique.
Mais quelles sont les causes de cette hémorragie silencieuse ? Est-elle volontaire, subie, structurelle ? Et surtout, quelles compétences sont désormais exigées des nouveaux directeurs TI dans un contexte où l’innovation, la cybersécurité et la résilience sont devenues vitales ?
Une rupture culturelle et technologique
Le rôle du directeur TI a longtemps été perçu comme celui d’un gestionnaire d’infrastructure. Mais dès le début des années 2010, les entreprises ont commencé à vivre une accélération numérique : explosion des données, émergence du cloud, cybersécurité, développement agile, mobilité, etc. Le paradigme a changé.
Le profil historique, plus axé sur les systèmes, s’est vu dépassé par les besoins métiers. Il ne suffisait plus de maintenir des serveurs en marche : il fallait accompagner la stratégie globale de l’entreprise avec des outils numériques souples, scalables et sécurisés.
Les 5 grandes raisons du renouvellement massif
- Manque d’adaptation aux nouveaux modèles cloud-native : nombreux sont les DSI qui n’ont pas réussi à abandonner les infrastructures on-premise au profit de solutions flexibles, hybrides ou cloud publics.
- Faible culture de la donnée : l’essor de la BI, du Big Data et des solutions d’analyse prédictive a imposé de nouvelles compétences.
- Absence de vision stratégique : certains directeurs TI ont continué à fonctionner en silos, sans transversalité ni alignement métier.
- Pression sur la cybersécurité : les cyberattaques se sont multipliées, obligeant les entreprises à rechercher des profils maîtrisant la sécurité de bout en bout.
- Changements générationnels : enfin, une vague de départs à la retraite dans la fonction publique a facilité ce renouvellement structurel.
Un nouveau profil de leader technologique
Le DSI moderne n’est plus simplement un gestionnaire d’actifs IT. Il est un chef d’orchestre de la transformation numérique. À ce titre, il doit posséder :
- Une vision business et stratégique claire ;
- Une compréhension approfondie de la cybersécurité ;
- Une capacité à travailler en mode agile, en transverse ;
- Une posture collaborative avec les directions métier et RH ;
- Une aisance dans l’évangélisation des enjeux numériques en interne.
Selon un rapport du CEFRIO (2020), les DSI les plus performants sont ceux qui savent adapter leur langage aux différents niveaux hiérarchiques : conseil d’administration, finance, opérations, ressources humaines.
Comparaison : ancien vs nouveau profil de DSI
Compétence / Attitude | Directeur TI traditionnel | Directeur TI 2020+ |
---|---|---|
Focus principal | Infrastructure et disponibilité | Innovation, valeur et alignement stratégique |
Relation avec les métiers | Souvent distante, technique | Partenaire actif, co-construction |
Technologies maîtrisées | Systèmes legacy, réseaux | Cloud, DevOps, IA, cybersécurité |
Mode de management | Hiérarchique, en silos | Agile, collaboratif |
Les secteurs les plus impactés au Québec
Le remplacement des DSI ne s’est pas fait uniformément. Les secteurs les plus touchés sont :
- Gouvernement / administration publique : vague de départs à la retraite + pression pour moderniser les services aux citoyens.
- Banques et assurances : passage massif à l’omnicanal, exigences fortes en cybersécurité.
- Santé : explosion de la télésanté, nécessité d’interopérabilité des systèmes.
- Manufacturier : intégration de l’IoT, de la robotique, et de la maintenance prédictive.
Quels profils sont recherchés aujourd’hui ?
Selon des cabinets comme Raymond Chabot Grant Thornton et Deloitte, les entreprises québécoises recherchent des DSI capables de :
- Mettre en place une gouvernance des données complète (catalogue, qualité, traçabilité) ;
- Définir une feuille de route cloud cohérente ;
- Protéger les actifs numériques (zero trust, MFA, SASE) ;
- Former et inspirer des équipes intergénérationnelles.
Les titres évoluent également : on voit apparaître des CTO (Chief Technology Officer), CIO (Chief Information Officer), ou CDO (Chief Digital Officer), parfois en binôme avec le DSI traditionnel.
Conclusion
Le chiffre de 60 % de remplacements de directeurs TI au Québec n’est pas une anomalie : c’est la conséquence d’un monde en mutation. La fonction TI n’est plus un support, elle est au cœur de la création de valeur.
Face à l’automatisation, à l’IA, au cloud et aux cybermenaces, les entreprises n’ont d’autre choix que de placer des profils hybrides à la tête de leur stratégie numérique. Le défi pour demain ? Former une relève à la hauteur de ces enjeux, tout en assurant une continuité opérationnelle.
Le directeur TI de demain est un stratège, un éducateur, un négociateur, un innovateur. Et le Québec, par son dynamisme technologique, est bien placé pour incarner cette nouvelle génération de leaders.